La Nouvelle-Zemble et le Spitzberg sont presque entièrement dessinés, alors
que la carte de 1628 ne donnait que la côte occidentale. Au Spitzberg, nommé
Terre Verte, apparaît le refuge aux Français ou Port-St Louis. Les pêcheurs
basques et normands, sous la direction de Vrolicq du Havre, avaient obtenu un
monopole pour la pêche de la baleine en ces régions depuis 1632, mais en avaient
été expulsés par les Hollandais et ne conservaient plus qu'un "refuge" nommé
Saint-Louis, en l'honneur de Louis XIII. En 1647, un Basque de Ciboure trouva
une technique pour fondre l'huile de la baleine à bord: les cabanes et les fourneaux
de ces havres saisonniers ne furent dès lors utilisés qu'accidentellement. Au
large de l'Irlande, deux îlots, brasil et maidan, sont des îles imaginaires
que beaucoup de portulans du XVIè siècle avaient placées là. En Asie, si la
muraille de Chine est bien dessinée, on lit encore, au nord, le nom du Cathay
de Marco Polo. Et si le Japon, à la forme découpée, est orienté Est-Ouest, les
Philippines, les îles de la Sonde et la Nouvelle Guinée forment un ensemble
assez correct. La Terre Australle incognue s'étend tout au long de la carte.
Ainsi la croyance en un vaste continent austral se maintenait au milieu du XVIIème
siècle et devait durer jusqu'au tour du monde de Cook ( 1772-1775). En Amérique
du Nord, une inscription placée à la hauteur des Grands Lacs et au Nord de la
Californie, formant une île, note : "l'on croit qu'il y a passage de là au Japan".
Partageant cette croyance, Champlain avait préconisé la remontée du Saint Laurent
jusqu'aux Grands Lacs, puis la descente d'une rivière sortant d'un lac "qui
tombe au Sud dans la mer Vermejo ou Californie". Le voyage de 1612 ne permit
pas de trouver le passage; néanmoins, vingt ans après, Guérard retient l'idée
d'un passage possible. En Amérique du Sud, le "c. de Nord" évoque la colonie
ébauchée en Guyane depuis 1626, par des marchands de Rouen.